C'est Mamie Laitue (Maroulio pour les hellénistes) qui m'a montré comment préparer le "poulet du dimanche". Pour elle c'était un plat de fête et pas de tous les dimanches, quand il y avait de quoi payer les plus qui agrémentaient le poulet sacrifié et le temps pour le préparer, sans rien d'autre faire que profiter de la chaleur de la cuisinière. Il fallait certes aller attraper le poulet, le décapiter, le plumer, le vider et le passer à la flamme de la lampe à alcool, pour éliminer les dernières traces de plumes. Il fallait aussi aller chercher les patates à la remise. Mais après commençait la fête de la préparation.
Je ne sais plus quelle part de la recette originale reste dans ma façon de faire, si ce n'est la mémoire de ma grand-mère penchée au dessus de ses casseroles, mais ça n'est plus important, c'est toujours sa recette.
Mettre une petite casserole à moitié remplie d'eau à chauffer, pendant qu'on coupe deux oignons finement. Les verser dans l'eau tiède et attendre la première ébullition, puis mettre la casserole de côté.
Couper trois tranches généreuses de poitrine fumée en petits dès et les verser au fond d'une cocotte avec trois cuillerées d'huile d'olive. Placer sur un feu doux et laisser la poitrine suer son eau.
Verser l'oignon dans un chinois et laissez égoutter.
Quand les bords de la poitrine commencent à blondir, verser l'oignon et laissez les brunir ensemble, en les mélangeant avec une spatule en bois.
Préparez le poulet. S'il vient ficelé comme d'habitude ces temps-ci, libérez-le ! Fendez la peau à la base des cuisses et le long du sternum. Badigeonnez-le d'huile d'olive et passez le moulin à poivre partout; le poivre va coller grâce à l'huile.
Placez le poulet dans la cocotte et montez le feu. Faites dorer les quatre côtés du poulet en le tournant toutes les 3-4 minutes. Pendant ce temps faites bouillir un demi verre d'eau et diluez dedans deux cubes de bouillon de poulet et de boeuf. Le poulet étant doré, mouillez-le du bouillon, baissez le feu pour avoir un léger frémissement, couvrez la cocotte et versez-vous un verre à siroter.
Il est préférable de disposer de miel de thym. Mais il n'est pas facile à trouver, ou il est cher. Pour flatter mon chauvinisme je vous conseille de l'Attiki.
Mais il est simple de se préparer son miel au thym, à partir d'un miel de troisième catégorie et de deux-trois brins de thym. Les miels "toutes fleurs" liquides sont d'habitude fades, ne développent que très peu d'arômes et il sont parmi les moins chers. Placez quatre cuillerées d'eau au fond de la casserole et effeuillez le thym dedans. Faites chauffer doucement, pour exprimer l'arôme du thym, puis sortez du feu et ajoutez quatre cuillerées de miel; ou plus :-)
Pressez une orange et un citron et un demi-pamplemousse. Si vos moyens sont limités un verre de jus multi-fruits fera l'affaire. Ajoutez le jus à la préparation de miel. Finissez votre verre, versez en un second et versez miel et jus dans la cocotte; profitez pour retourner le poulet et n'oubliez pas de replacer le couvercle.
Trouvez-vous à vous occuper pendant les trois quarts d'heure qui suivent. Par exemple épluchez les pommes de terre, coupez en cubes moyens, laissez les une dizaine de minutes dans l'eau, égouttez et essuyez les avec un linge et préparez vous à les faire rissoler. J'utilise un mélange d'huile de tournesol et d'huile d'olive, moitié-moitié, chauffé à fond dans une sauteuse. Avant de commencer avec les patates enlevez le couvercle de la cocotte. Faites tourner les cubes des patates dans tous les sens pour les dorer, salez/poivrez à souhait et baissez le feu. Quelques feuilles de menthe poivrée séchée émiettées et le zeste d'un citron saupoudrés sur les patates. Finissez votre verre. Laissez le jus du poulet réduire, les patates confire et attaquez l'entrée, sans vous presser.
La chaire du poulet doit se détacher des os sans se faire prier; la découpe n'est vraiment plus un problème. Les patates doivent être dorées et sèches. Les odeurs du thym, de la menthe et du citron doivent vous faire l'effet d'une attaque à l'arme chimique, destinée à tarir vos glandes salivaires. Ouvrez le vin, un blanc sec sans prétentions. Versez-le dans une carafe, pour la remplir à moitié. Complétez avec le même mélange de jus de fruits qui vous a servi pour le poulet.
Eteignez les feux et servez.
- huile d'olive
- huile de tournesol
- deux oignons
- trois tranches de poitrine fumée
- un poulet
- sel, poivre
- un cube de bouillon poulet
- un cube de bouillon boeuf
- quatre cuillerées de miel de thym
- deux oranges, deux citrons (gardez le zeste de l'un des deux), un pamplemousse, ou un litre de jus multi-fruits
- des pommes de terre
- de la menthe sèche
- vin blanc sec
- et de quoi boire pendant la préparation, à la mémoire de Mamie Laitue.
Pour les quantités faites au mieux, j'ai jamais su compter pendant que je cuisine. Le verre d'eau est une demi-pinte, 250 ml.
Si vous n'avez pas de cocotte prenez une casserole banale, mais faites attention que ça n'attache pas au fond, pensez à remuez le contenu (et retourner le poulet) fréquemment.
Si vous n'avez pas de chinois, un filtre à café fait l'affaire; n'utilisez pas le support de la cafetière, sinon votre café va sentir l'oignon pour quelques jours.
Si vous utilisez du jus multi-fruit plutôt que des fruits frais, remplacez le zeste de citron par du curry (une pointe juste); ça n'a rien à voir, mais ça fait l'affaire.
S'il reste de la sauce après que la dernière partie du poulet ait été consommée, vous pouvez l'utiliser pour la soupe frisée, une autre recette , bientôt à vos écrans...