Kevin Vigneau
Comment se passer un sapin…sans s’en passer.
À treize ans, l’âge où les hormones nous fourmillent le cul, le derrière et le devant, sans qu’on sache pourquoi, entre bandes de jeunes hommes, on avait eu l’audace d’aller louer des films avec des X qui nous permettraient de connaître un peu mieux les relations humaines. Des VHS avec des univers musicaux à la Bachelet, Emmanuelle, et ce genre de classiques que les 80’s nous ont donnés.
Il avait fallu y aller sur le pouce et en revenir de la même manière, au club vidéo, le visionnement avait conséquemment débuté vers le début du lendemain, et les deux films loués m’avaient retenu chez mes amis jusque tard avant l’aurore.
Mon Grand-père, Évé de son prénom et que nul ne dise mot à ce sujet, m’avait demandé d’aller avec lui préparer une recette de « sapin », telle qu’il la nommait. Il est alors venu me lever de mon lit adolescent plein de traitement auto-perpétué suite de nuit sans sommeil, pour me ramener à la tradition qu’il voulait m’apprendre, laquelle, ai-je appris ensuite, il tenait des indiens lors de ses années de bûchage aux abords du Lac Érié.
Sans trop me poser de questions, il me mit une hache dans les mains et me montra à reconnaître le sapin, le bon, celui dont l’écorce est encore verte lorsqu’on la gratte avec le doigt. « C’est celui-là qui faut couper ». Après avoir reconnu les jeunes pousses sapineuses dont je devais m’occuper, mon aïeul me montra comment couper les branches avec l’instrument du bourreau sans que je me doute que je serais victime quelques secondes plus tard, parce que manque de sommeil, parce que manque d’expérience, parce que plein d’idées de peau en tête et très peu d’idées de sapinage : un coup de hache direct sur mon pouce qui dévoilait l’os et la jointure.
J’allais pleurer, de fatigue, d’écoeurement, je ne voulais qu’Emmanuelle ce matin-là. Évé m’a dit, alors : « Tu prends de la gomme de sapin, pis tu la mets sus ton affaire, on va pas brailler comme une maîtresse d’école, on a job à finir, ça marche le bois ».
Ai pas eu le choix, ai suivi la recette et ai continué à l’aider à préparer son remède, lequel, avant de vous donner la cuisine, je dois l’avouer, à guéri mon pouce sans points de suture, mon asthme sans médication, mon manque de confiance envers des sagesses anciennes, mais pas mon affection pour la musique de Pierre Bachelet.
Sapinescence
Prendre 3 ou 4 jeunes sapins baumiers dont les sous-couches de l’écorce apparaissent vertes suite à un grattage avec l’ongle.
En couper les branches et tous les éléments de façon à n’avoir qu’une sorte de pieux dont on retire l’écorce en faisant filer un couteau sur le bois dur de l’arbre.
Après avoir mis les pelures d’écore dans un chaudron, faire bouillir de l’eau dans une bouilloire et ajouter l’eau au fur et à mesure dans le chaudron d’écorces en n’oubliant pas de boire sa bière quand le foie le demande.
Le chaudron d’écorces empli d’eau bouillante, s’assurer de sa foi et de son foie, laisser le tout à chaleur constante pendant 24 heures, tenter si votre régime le permet d’être chaud tout autant pendant 24 bières, et ensuite filtrer le liquide des bois qui vous permettra de vous remettre de votre cuite ou de vos VHS interdits.
Mais faut jamais que ça bouille !!! Ça tue la sève, c’est comme l’amour et la porno.
Ma main tranquille aujourd’hui et coude levé,
KV
dimanche 12 février 2012
Sapinescence
Publié par Mistral à 20:13
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