vendredi 17 février 2012

Chili con carne

Sandra Gordon


Il te reste trente piastres pour deux semaines, et tu les caches scrupuleusement dans une pochette dissimulée de ton portefeuille.  Pour les cas de forces majeures.  Du café, des croquettes de chat, de l’essence ordinaire.  Mais voilà, le moment arrive où ton estomac te lâche un crisse de wack.  Ouain.  C’est alors que.
Que.
Tu. As. Faim.
Nan, tu n’as pas faim : tu crèves la dalle.  Tu mangerais un cheval.  La cavalerie entière, crisse.  Tu as tellement faim que tu en perdrais tes moyens… que tu n’as douloureusement pas.  Bon.  Tu fais quoi?  De-kessé-tu-fais?
Tu ouvres tes portes d’armoires de cuisine et tu zyeutes.  Puis celle du  réfrigérateur.  Zyeutes, zyeutes.  Tu retournes aux armoires à cuisine, question d’être sûr-sûr, puis tu regardes à nouveau le contenu du congélateur, juste pour être encore plus sûr.  Des glaçons.  Un sac de maïs congelé.  L’inventaire se fait au premier coup d’œil, nul besoin de déplacer quoi que ce soit.  Ça fait des semaines que tu n’as pas fait une épicerie digne de ce nom et toutes les tablettes de la cuisine, quel que soit la température de son ambiance, sont pratiquement vides.
« Euh… »
Manger, le verbe sans l’action, et au conditionnel présent.  Conditionnel à ce qu’il te reste  – c’est-à-dire pas grand-chose.  Du bicarbonate de soude, de la poudre à pâte, de la cassonade.  De l’amour et de l’eau fraîche?  Des plans pour vomir de la bile le lendemain matin.  Nan.
« Mange ta main, garde l’autre pour demain!»
Ta mère te chantait peut-être ça à l’époque?  Et tu ne la trouvais peut-être pas particulièrement drôle?  Tout compte fait, tu es peut-être rendu au point où même ta paluche te semblerait délicieuse marinée pendant six heures puis grillée sur le barbecue.  Mmm.  Des beaux carrelés rôtis sur la paume et sur le dos, avec les effluves de romarin et d’ail.  La gauche au pire, vu ta droititude.  Droiterie.  Droiture.  Droiti…  Ah!  Anyway.
Tu grignotes le fond pulvérisé d’un restant de vieilles céréales tout en réfléchissant.  Un reste de fromage.  Du lait.  Un sac d’oignons.  Des gousses d’ail désarticulées.  Aucun restant.  Aucun TOUSKI, tiens, ce fameux repas de seconde zone dont seul le terme suffit à amuser fièrement les ménagères qui en font l’usage.  Elles pensent sérieusement avoir inventé quelque chose, oooouh, et elles jubilent à l’idée de nous instruire tout en nous relatant leur quotidien pourri et hautement inintéressant.
« Nous, hier soir, on a mangé du TOUSKI…  Tout-ce-qui-reste!  Hihihi! »
Même les innombrables sites Internet dédiés à la cuisine ne sont pas foutus de te donner un coup de main.  Vrai qu’avec MARINADES+FROMAGE+OIGNON, les résultats ne sont pas très probants.  Alors on se creuse les méninges… et l’appétit, du même coup.  Hélas.

«Ouain, pis? »
–Ben... je sais pas, là…  Je regarde ce que j’ai, que j’ai…

1. Oignons;
2. Ail;
3. Poudre de chili;
4. Sauce Tabasco;
5. Cumin;
6. Boîtes de conserve de légumineuses (haricots noirs, rouges, blancs, name it, ça fait l’affaire);
7. Boîtes de conserve de tomates en purée (ou en dés, on s’obstinera pas là-dessus);
8. Maïs congelé ou en conserve.  (Sauf au mois d’août : des vrais de vrais, tsé);
9. Pâte de tomate, si ta mixture est trop liquide.  Genre;
10. Sel;
11. Poivre;
12. Laisse-toi aller avec ce que tu as, c’est pas de la maudite science pâtissière.

****************************

« Pis le carne? Hein?  Y’é où ton carne? »
— Ben.  Tu peux compter ton petit change pis aller t’acheter un peu de bœuf haché.  Sinon, tu le manges drette de même.  Avec du fromage râpé, des pitas passés au four, ou des chips tortillas.  Pis si tu files foubrac, tu t’achètes de la crème sure.

— Buen apetito!  Con carne, esto va a ser mucho major!
— Ouais.  C’est mon avis aussi.  T’as pas une poignée de change?


Lire la suite...

dimanche 12 février 2012

Sapinescence

Kevin Vigneau

Comment se passer un sapin…sans s’en passer.


À treize ans, l’âge où les hormones nous fourmillent le cul, le derrière et le devant, sans qu’on sache pourquoi, entre bandes de jeunes hommes, on avait eu l’audace d’aller louer des films avec  des X qui nous permettraient de connaître un peu mieux les relations humaines. Des VHS avec des univers musicaux à la Bachelet, Emmanuelle, et ce genre de classiques que les 80’s nous ont donnés.

Il avait fallu y aller sur le pouce et en revenir de la même manière, au club vidéo, le visionnement avait conséquemment débuté vers le début du lendemain, et les deux films loués m’avaient retenu chez mes amis jusque tard avant l’aurore.

Mon Grand-père, Évé de son prénom et que nul ne dise mot à ce sujet, m’avait demandé d’aller avec lui préparer une recette de « sapin », telle qu’il la nommait. Il est alors venu me lever de mon lit adolescent plein de traitement auto-perpétué suite de nuit sans sommeil, pour me ramener à la tradition qu’il voulait m’apprendre, laquelle, ai-je appris ensuite, il tenait des indiens lors de ses années de bûchage aux abords du Lac Érié.

Sans trop me poser de questions, il me mit une hache dans les mains et me montra à reconnaître le sapin, le bon, celui dont l’écorce est encore verte lorsqu’on la gratte avec le doigt. « C’est celui-là qui faut couper ». Après avoir reconnu les jeunes pousses sapineuses dont je devais m’occuper, mon aïeul me montra comment couper les branches avec l’instrument du bourreau sans que je me doute que je serais victime quelques secondes plus tard, parce que manque de sommeil, parce que manque d’expérience, parce que plein d’idées de peau en tête et très peu d’idées de sapinage : un coup de hache direct sur mon pouce qui dévoilait l’os et la jointure.

J’allais pleurer, de fatigue, d’écoeurement, je ne voulais qu’Emmanuelle ce matin-là. Évé m’a dit, alors : « Tu prends de la gomme de sapin, pis tu la mets sus ton affaire, on va pas brailler comme une maîtresse d’école, on a job à finir, ça marche le bois ».

Ai pas eu le choix, ai suivi la recette et ai continué à l’aider à préparer son remède, lequel, avant de vous donner la cuisine, je dois l’avouer, à guéri mon pouce sans points de suture, mon asthme sans médication, mon manque de confiance envers des sagesses anciennes, mais pas mon affection pour la musique de Pierre Bachelet.

Sapinescence


Prendre 3 ou 4 jeunes sapins baumiers dont les sous-couches de l’écorce apparaissent vertes suite à un grattage avec l’ongle.

En couper les branches et tous les éléments de façon à n’avoir qu’une sorte de pieux dont on retire l’écorce en faisant filer un couteau sur le bois dur de l’arbre.

Après avoir mis les pelures d’écore dans un chaudron, faire bouillir de l’eau dans une bouilloire et ajouter l’eau au fur et à mesure dans le chaudron d’écorces en n’oubliant pas de boire sa bière quand le foie le demande.

Le chaudron d’écorces empli d’eau bouillante, s’assurer de sa foi et de son foie, laisser le tout à chaleur constante pendant 24 heures, tenter si votre régime le permet d’être chaud tout autant pendant 24 bières, et ensuite filtrer le liquide des bois qui vous permettra de vous remettre de votre cuite ou de vos VHS interdits.

Mais faut jamais que ça bouille !!! Ça tue la sève, c’est comme l’amour et la porno.

Ma main tranquille aujourd’hui et coude levé,

KV




Lire la suite...

Recette de bines au ....

lièvre euh... au lapin. Fut un temps où je n'avais aucune difficulté à me trouver lièvres et perdrix pour donner plus de consistance à mes bines. L'époque étant ce qu'elle est, de plus en plus aseptisée mais toute aussi barbare, presque plus personne ne va à la chasse aux petits gibiers ou encore mes contacts sont soit décédés, soit handicapés par devant leurs articulations ce qui posent un certain problème quand vient le temps de tirer sur la perdrix qui te nargue ou encore pour aller relever ses collets les lendemains de pleine lune sur les trails à lièvres.Tout ça pour vous dire que ma Marjo avait prise comme résolution du jour de l'an 2012 de donner à souper à la famille (mes parents et nos enfants) à toutes les 2 semaines jusqu'à notre départ pour les Europes dans pas long.

Voulant lui donner un break de popote d'à tous les 2 samedis j'ai décidé ce samedi-ci, de lui emprunter son tablier et de la libérer temporairement de sa résolution culinaire.

Question de bien trancher d'avec son répertoire de menus bi-hebdomadaire qui se voulait souvent de culture étrangère et qui ne rejoignait pas, mais alors là pas du tout mes parents et nos propres enfants oui la chair de notre chair dans leur idéal de souper familial, j'ai opté pour un classique : mes bines au lièvre, lièvre que j'ai remplacé par du lapin pour les raisons que vous connaissez et dont je renierai l'espèce au moment du souper, espérant confondre mon papa dont je soupçonne la vue et le goût d'être en forte régression depuis quelques années.

Donc: 2 livres d'haricots blancs que j'ai fait tremper toute la nuit dans de l'eau froide dans mon chaudron de céramique. Au petit matin j'ai rincé les bines et enlevé celles qui n'avaient pas fières apparences avant de les faire mijoter une 30aine de minutes. Pendant ce temps-là je mélangeais les quantités approximatives de 1 cuillerée à thé de sel, 4 de vinaigre de de cidre, 1 de moutarde préparée, 2 cuillérées à table de cassonade, 1/2 tasse de mélasse, 1 tasse de ketchup. Pour lier le tout et en faciliter le répandage sur les bines plus tard j'ajoutais de l'eau bouillante au mélange.

Après le mijotage de 30 minutes, jeter l'eau de cuisson ( moins de vocalises anales) rincer les bines, placer des cubes ou des larnières de lard et les rondelles d'un gros "nognon" dans un chaudron de céramique ( ça enlève le goût métallique des chaudrons ordinaires) puis déposer les haricots. Ajouter le mélange des quantités approximatives, couvrir d'eau bouillante et mettre au four. "Starter" les bines à 350 F pendant 1 heure.

Pendant cette heure-là vous pouvez, si vous le souhaitez, vous rincez le gosier en badigeonnant le lapin, coupé en quartiers, de sirop d'érable et de paprika (aucune idée de ce que ça va donner, c'est la première fois que je badigeonne un lapin de cette façon-là).

Les 60 minutes passées vous pouvez baisser le feu du four à 200-250 F et ajouter les morceaux de lapin.

Cuire encore 4-5 heures en n'oubliant pas d'enlever le couvercle du chaudron durant la dernière heure pour faire brunir les bines.

J'ajouterai à mon menu: toasts de pain de fesse sur rond de poêle, saucisses bien grasses, pâté mexicain parce qu'il nous reste plus de pâté à viande dans le congélateur et quiche florentine.
Bonne journée
Gaétan

Lire la suite...