mardi 9 janvier 2007

Pâte à pizza 3.1



Mon obsession pour la pizza est née à l’épicerie Jos & Basile, sise rue Mozart, dans la Petite Italie. Dans ce vénérable commerce, la famille de Basile Izzo offre depuis des années une pizza dont la pâte est subtilement croustillante, très finement feuilletée, parsemée de minuscules bourgeons d’huile.
Pendant deux ans, j’ai vainement tenté de reconstituer la consistance de cette pâte. Je ne me décourage pas. Un jour je serai Basile à la place de Basile – mais en attendant, voici tout de même la recette que j’ai développée (version 3.1).

Pour deux pizzas, munissez-vous des éléments suivants :

1 1/4 tasses (310 mL) d’eau à température de la pièce
3 3/4 tasses (940 mL) de farine blanche non blanchie
quelques généreuses giclées d’huile d’olive (environ 1/4 de tasse)
1 poignée de semoule de blé
2 cuillerées à table combles de levure
1 cuillerée à table de sucre
1 grosse pincée de sel
1 grand saladier
1 bout de tissu humide pour recouvrir ledit saladier
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1 bière glacée

Première étape : débouchez la bière, prenez une gorgée.
Ensuite, la levure. Cet anodin champignon est le nerf de la guerre. Pour ma part, j’utilise tout bêtement la Fleishmans traditionnelle, en vente au coin de la rue. Dissolvez le sucre et la levure dans 1/4 de tasse (environ 60 mL) d’eau tiède. Attention, la température de l’eau est primordiale : trop froide, la levure vous boude ; trop chaude, elle meurt. Dans les deux cas, vous obtenez une bouette aussi navrante qu’inopérante.
Si la température est adéquate, la levure mousse, gonfle et prend bientôt l’allure du pouding anthropophage qu’affronta jadis Woody Allen dans The Sleeper.
Prenez quelques gorgées de bière pour patienter.
Lorsque la levure échappe enfin à votre contrôle, versez la farine dans le saladier. Ajoutez le sel, la poignée de semoule de blé et l’huile d’olive. Mélangez bien afin d’éviter que le sel n’entre en contact direct avec la levure, que vous ajoutez aussitôt. Mélangez derechef.
Intégrez les trois-quarts de l’eau et prenez une gorgée de bière, car vous voici au point de non retour. Oignez-vous les mains jusqu’aux poignets et commencez à pétrir. En ce qui concerne l’art antique du pétrissage, c’est ma sociologue préférée qui fait autorité. Pour ma part, je me contente de plier et replier – l’important est d’incorporer de l’air dans la pâte.
Incorporez la balance de l’eau avec prudence, petit à petit, afin de contrôler la texture de votre pâte. Voici où intervient la météo. Trois facteurs favoriseront la poussée :
la pâte est souple (donc bien hydratée) ;
la pâte est longuement pétrie (donc bien oxygénée) ;
la température ambiante est élevée.
(Je vous improviserais bien une petite équation, mais restons sérieux.)
Il s’agit en somme d’équilibrer ces forces contradictoires – et il n’existe, à ma connaissance, aucune façon précise de procéder. S’il fait froid, ajoutez de l’eau, voire de la levure, et pétrissez avec insistance. En juillet, inversez la tendance afin d’éviter que votre pâte ne prenne une consistance de guimauve. Le but est d’obtenir une masse élastique mais ferme. Trop souple, la pâte s’effilochera. Trop raide, elle cassera.
Le pétrissage dure entre 10 et 15 minutes. Tout dépend des conditions météo et de votre patience.
Lorsque la pâte atteint la consistance souhaitée, façonnez deux boules, déposez-les dans le saladier enfariné, recouvrez avec le tissu humide et abandonnez le tout dans un coin tranquille, à l’abri des courants d’air. L’intérieur du four est idéal ; laissez la lumière allumée pour tiédir l’ambiance.
La pâte doublera de volume entre 90 et 120 minutes. Profitez-en pour finir votre bière. Façonnez ensuite les pâtes à la main, sur des tôles ajourées. La garniture ne regarde que vous, mais un peu de romarin frais dans la sauce vous inculquera le sens de la poésie.
Cuisez à 400°C.

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lundi 8 janvier 2007

Chili (insérer superlatif)



D'abord, rétablissons les faits: le chili con carne n'est pas un plat mexicain. Les mexicains eux-mêmes en nient avec véhémence lapaternité, à juste titre. Car si le récit le plus saisissant de sa genèse met en scène des aztèques dépeçant du conquistador et s'en faisant un ragoût sacrificiel particulièrement épicé (si l'histoire vous plaît, sentez-vous à l'aise de remplacer le bœuf par de la viande d'espagnol mi-maigre), le récit le plus convaincant de son origine renvoie cependant à une poignées de colons espagnols dépêchés des Îles Canaries par le roi d'Espagne et débarqués à San Antonio, Texas (qui n'était, vers 1720, ni le Mexique, ni les États-Unis, mais bien colonie espagnole). Voilà pour la grande histoire.
La petite, à présent: la recette qui suit a été élaborée pour nourrir des colocataires, qui jugeaient — fort justement — que je ne participais pas assez à la salubrité minimale de nos espaces communs.
Ce chili («qui vous colle aux côtes», expression apprise de Mistral) avait le don de remettre les compteurs à zéro et d'ainsi alléger l'atmosphère — avant de l'empuantir ignoblement. Notez qu'il est impératif de ne pas suivre à la lettre une recette de chili. J'y déroge moi-même systématiquement, histoire d'insuffler à l'entreprise l'illusion du progrès. Parmi les intrus occasionnels : vin rouge, bière, cannelle, cari, oignons verts, piments habañeros (le piment le plus fort du monde, point barre), purée de chipotle, fèves noires, etc. Dernière remarque : comme presque tous les plats mijotés, un chili est toujours meilleur le lendemain.

Chili ...(insérez un superlatif de votre choix — l'intitulé d'un chili est primordial, et je ne vous révèle pas le mien)
(donne 8 portions)

500 g intérieur de ronde en dés
500 g bœuf haché maigre
1 petite boîte tomates broyées
1 grosse boîte tomates en dés
2 boîtes fèves rouges égouttées et rincées
1 cannette V8 (ou jus de légumes)
2 poivrons (couleur au choix)
2 oignons
1 ou 2 piments jalapeños (l'intensité est variable : goûter)
4 gousses d'ail
2 c.à s. pâte de tomate
2 c. à s. cassonnade
1 c. à s. sauce worcestershire
huile
Épices :
coriandre moulue, origan (pas la vieille enveloppe éventée : il y a trois ans que ça ne goûte plus rien), paprika, cumin (±1 c. à t. ch.), 2 feuilles de laurier et cayenne (au goût : prudence) — ou un sachet ou deux d'assaisonnement déjà préparé, mais bon, bof…
sel, poivre
Garniture :
coriandre fraîche
crème sûre
optionnellement : cheddar ou Monterey Jack rapé, à gratiner

Faire revenir la viande dans l'huile, égoutter. Saler, poivrer et incorporer un peu du mélange d'épices. Réserver. Faire sauter oignons, poivrons, piment(s) (hachés gros), ail (haché fin) dans de l'huile. Incorporer la viande et le reste des ingrédients, sauf les fèves rouges, le V8 et la coriandre fraîche. Laisser mijoter à feu très bas durant deux heures, en remuant de temps à autres (pour réduire le temps de cuisson de moitié — à feu légèrement plus élevé —, n'utiliser que du bœuf haché ou remplacer l'intérieur de ronde par une coupe plus tendre). Au cours de la cuisson, ajouter du V8 au besoin pour conserver la consistance voulue. Cinq minutes avant la fin de la cuisson, incorporer les fèves rouges (elle conserveront ainsi une relative fermeté). Rectifier l'assaisonnement au goût (si trop acide, ajouter un peu de cassonnade). Servir avec crème sûre et coriandre hachée. Et nachos ou tortillas.

Le jus de légumes V8 (original) est fait à partir des tomates (dominante) et du jus de sept autres plantes : betterave, céleri, carotte, laitue, persil, cresson, et épinards. Je n'en connais pas d'équivalent en France... Je chercherai, je chercherai !

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